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10/12/2014

Jamais les écarts riches / pauvres n'ont été aussi forts

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...et cette iniquité pénalise l'économie :


  

Selon le rapport Cingano, publié avec l'aval de la direction de l'emploi de l'OCDE, « jamais, en trente ans, le fossé entre riches et pauvres n'a été aussi prononcé qu'actuellement dans les économies avancées »* : le revenu des 10 % les plus riches est en moyenne 9,5 fois plus élevé que celui des 10 % les plus pauvres. Les riches deviennent toujours plus riches, et les pauvres toujours plus pauvres : on dirait la société selon Funès dans La folie des grandeurs, mais c'est la société produite par le putsch libéral occidental de la fin du XXe siècle. Cet engrenage s'est amorcé en effet à la fin des années 1980. Seuls les libéraux prétendent, en vertu de l'axiome du « ruissellement », que l'inégalité croissante des revenus crée des retombées profitables à la société dans son ensemble ; cette théorie d'Ubu est réfutée par les faits, et même par les économistes universitaires qui finissent par se rallier aux faits (tardivement et de mauvaise grâce). Selon le rapport Cingano, les inégalités de revenus, devenant tératologiques**, ont une « incidence négative » sur ce qu'il appelle « la croissance à moyen terme » ; le mot « croissance » est évidemment inapproprié mais c'est un autre aspect de la question.

L'aspect qui retient ici notre attention, c'est le naufrage d'une théorie à laquelle ne restent attachés que les notables du PS, ceux de l'UMP, les deux tiers des journalistes parisiens (parce que ça fait américain) et les trois quarts du FN (dont les huit dixièmes de l'ultradroite catho) : la théorie du ruissellement. Rappelons, une fois de plus, que les mots les plus durs contre cette théorie sont du pape François dans l'exhortation apostolique La Joie de l'Evangile, § 54 :

« Dans ce contexte, certains défendent encore les théories de la 'retombée favorable' [synonyme de la théorie du ruissellement], qui supposent que chaque croissance économique favorisée par le libre marché, réussit à produire en soi une plus grande équité et inclusion sociale dans le monde. Cette opinion, qui n'a jamais été confirmée par les faits, exprime une confiance grossière et naïve dans la bonté de ceux qui détiennent le pouvoir économique et dans les mécanismes sacralisés du système économique dominant... »

Voilà ce que dit – avec une fermeté abrupte – l'Eglise réelle. Qui habet aures, audiat ! (Matthieu 11,15).

 

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* Le Monde, 10/12.

** Tératologie : étude des malformations congénitales.

  

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Commentaires

CONSTAT

> Triste constat que j'ai senti s'amorcer vers 1985. Je me demande où cela va finir ? Bonne journée.
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Écrit par : elisabeth / | 10/12/2014

RICHES ET PAUVRES

> De mon point de vue, ce n'est pas tant l'écart énorme entre riches et "pauvres" qui est choquant, c'est le fait qu'il y ait des pauvres qui n'ont pas le minimum nécessaire. Ainsi, peu importe que le salaire maximal en France soit 10 fois, ou même 100 fois plus élevé que le salaire minimal tant que le salaire minimal permet à celui qui en vit de subvenir à ses besoins.
Au-delà, je pense que le risque est la jalousie et l'appât du gain : pourquoi untel a plus d'argent que moi, pourquoi je ne pourrais pas gagner plus d'argent...
La question qui pourra en revanche se poser sera celle de savoir si, à "gâteau" constant, les très riches ne lèsent pas les plus modestes d'une partie de ce qui pourrait leur revenir en toute justice.

Xavier


[ PP à Xavier - Mais n'oubliez pas la doctrine sociale de l'Eglise : le revenu du riche est tout simplement immoral (et asocial) s'il ne correspond pas à un service économique rendu. Or le casino financier, d'où les plus riches tirent leurs hyper-revenus actuels, ne correspond à rien d'autre que la spéculation, chose qu'un catholique est censé condamner et combattre.
D'autant que ce casino financier est largement prédateur : spéculation sur les matières premières alimentaires, recul des cultures vivrières du Sud au profit de l'agro-industrie destinée à la consommation du Nord, destruction d'emplois dans les pays développés, emploi esclavagiste dans les pays "émergents", etc.
Il faut cesser de réciter (avec les bons messieurs) le mantra menteur selon lequel "quand le riche s'enrhume le pauvre meurt de froid" ; cette idée, à moitié fausse en tous temps, est devenue archifausse aujourd'hui où l'hyper-richesse est devenue un fléau pour le reste de l'humanité.
Lire à ce sujet 'Les usurpateurs" de Susan George (Albin Michel 2014), 'La caste cannibale' de Sophie Coignard et Romain Guibert (Albin Michel 2014) et 'Comment les riches détruisent la planète' d'Hervé Kempf (Seuil 2007)... ]

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Écrit par : Xavier / | 10/12/2014

à Xavier

> Vous le dites vous-même, mais dans un monde où les ressources sont limitées et la population croissante, je ne vois pas comment la richesse de quelques uns peut se justifier.
C'est la fameuse phrase de Gandhi : il faut vivre simplement pour que d'autres puissent simplement vivre.
Ou alors il faut devenir malthusien et préconiser la réduction de la population mondiale par les méthodes qui s'imposent afin de permettre à une petite partie des survivants de continuer à se gaver.
Dire que cette horreur en fait rêver quelques uns (pas vous je me doute bien)...
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Écrit par : Gilles Texier / | 10/12/2014

QUAND BIEN MÊME

> Quand bien même nous pourrions tous jouir d'une fortune illimitée, ce serait à combattre. Nos richesses nous possèdent bien plus que nous les possédons, elle occupent notre esprit (l'Evangile nous le rappelle à de nombreuses reprises), nous éloignent les uns des autres. Regardez les villas des milliardaires vues du ciel: comment peut-on avoir des relations de voisinage quand des hectares nous éloignent du plus proche,comment peut-on avoir une vie de famille quand chacun a ses appartements, sa salle de bain,...?
"Moins de bien, plus de liens": j'aime cette devise de bon sens.
C'est pourquoi, si la crise qui est au-devant de nous nous terrifie, pour ceux qui en pressentent l'ampleur, c'est que pour l'instant nous entrevoyons ce que nous allons perdre, mais que nous ne voyons pas encore ce que nous pouvons gagner, en humanité, donc en bonheur. Nécessité faisant loi, nous aurons le choix entre nous serrer les coudes, nous réchauffer aux mêmes foyers, ou lutter à mort les uns contre les autres, jusqu'au dernier. Ceux qui ne voudront pas se mêler au peuple qui manque de goût, se réchauffer aux côtés de couples non mariés, mettre leurs enfants avec des Kevin et des Idriss, devront se nourrir de leur suffisance et se réchauffer à quelques uns tout aussi hautains, tout-aussi figés dans leurs préjugés glaçants, en reclus, dans leurs immenses chapelles d'orgueil,sépulcres froids comme la mort.
Sincèrement, je pense que la mesure de nos biens doit être celle de notre générosité: avoir juste ce qu'il faut pour pouvoir partager, et nous maintenir ainsi en bonne estime de nous-même, et avoir besoin de recevoir autant que nécessaire pour nous maintenir en joyeuse humilité.
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Écrit par : Anne Josnin / | 10/12/2014

RUISSELLEMENT

> D'ailleurs prenons-les au mot : qu'est-ce qu'un "ruissellement" ?
- c'est la concentration des eaux de pluie pour former un ruisseau.
donc ça ne coule pas partout.
- où ces ruisseaux se forment-ils ?
toujours dans les creux, là où c'est le plus facile.
donc ce n'est pas créatif, un ruisseau n'a aucun esprit d'entreprise.
donc ça coule toujours au même endroit, ça arrose toujours les mêmes.
- quand il y a beaucoup de pluie d'un coup (comme une grande et brusque croissance) que se passe-t-il ?
l'eau glisse sur le sol sans le pénétrer, le courant des ruisseaux s'accélère, l'eau part aussi vite qu'elle est arrivée ou bien elle emporte tout.
Que faut-il faire alors pour ne jamais manquer d'eau : être dans le ruisseau et suivre le courant.
Les branches mortes le font très bien. Leur ressembler est l'ambition du libéral.
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/12/2014

GOLDSMITH

> Même sans le casino financier, l'économie mondiale ne peut plus fonctionner sainement. Quitte à radoter, il est utile de rappeler l'aphorisme de Jimmy Goldsmth:
"La mondialisation appauvrit les pauvres des pays riches et enrichit les riches des pays pauvres".
En effet, les premiers sont mis en concurrence avec les pauvres des pays pauvres (voir les réformes Macron), les seconds vendent le travail de leurs pauvres sur les marchés riches.
L'image du ruissellement, tout comme la théorie du multiplicateur de Keynes fonctionnait dans des espaces économique limités et à peu près homogènes. L'industriel dépensait son argent chez le maroquinier ou l'orfèvre de la même ville ou au moins du même pays, et l'armée achetait ses bérets aux manufactures pyrénéennes. La mondialisation a fait éclater tout cela. C'est normal, elle faite pour ça.
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Écrit par : Pierre Huet / | 10/12/2014

POURQUOI

> Je demeure toujours un peu surpris devant ce qu'on fait de ces données. Ici au Canada, les pauvres ont tout un filet social formidable qui ne cesse de s'améliorer, ils ne deviennent pour autant pas riches, les causes de leur pauvreté demeurent (éducation accompagnement inadéquat mauvais choix de vie) mais ils sont bien traités par la société. Et je ne comprend pas pourquoi si j'arrive à améliorer mon sort et celui de ceux qui me sont confiés cela viendrait nuire de quelque manière aux pauvres qui peuvent être pris en charge par la société (sauf évidemment ceux qui s'auto-excluent et qu'il faut continuer à aider). Évidemment au niveau macro-économique à l'échelle mondiale le problème se présente sous d'autres visages mais je souhaitais avoir votre opinion sur ce que j'ai écrit et qui me turlupine depuis longtemps.

Jean Boily

[ PP à Jean Boily - La question ne concerne évidemment pas ceux qui "parviennent à améliorer leur sort" ! Elle concerne les 10% d'hyper-riches dont les revenus fous proviennent du casino financier global. Mais de ceux-là, les théoriciens libéraux ne parlent jamais ; ils font semblant de ne prendre en compte que les gens comme vous et moi.
De même, en France, le syndicat des grandes entreprises (Medef) fait semblant de veiller sur les intérêts des petits patrons luttant pour leur survie, alors que ce sont deux mondes non seulement différents, mais objectivement antagonistes... ]

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Écrit par : Jean Boily / | 10/12/2014

CE N'EST PAS...

> « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais plutôt du soin qu’ils apportent à la recherche de leur propre intérêt. Nous ne nous en remettons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme. »
(Adam Smith)
« Ce n’est pas de la bienveillance du PDG ou des managers à sa botte que j’attends une juste rétribution, mais du souci de l’intérêt collectif montré par les salariés et de leur capacité de mobilisation. Ne nous en remettons pas à l’humanité de nos dirigeants, mais à la solidarité de ceux contre lesquels ils spéculent… Solidarité contre les patrons spéculateurs ! »
(Denis)
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Écrit par : Denis / | 10/12/2014

TYLER COWEN

> Le meilleur (des mondes) est encore à venir selon l’économiste américain Tyler Cowen, lequel est classé par une étude du magazine 'The Economist' comme l'un des plus influents de la décennie précédente.
Pour faire bref, il prédit sans sourciller un avenir proche où seulement 10 à 15% de la population (ceux qui savent exploiter le système) aura accès à une richesse et un luxe de vie inégalés. La classe moyenne sera « asséchée » pour reprendre ses termes, et ne restera qu’une masse essayant de survivre, « la médiocrité n’ayant plus sa place ». Par contre rien à craindre d’une éventuelle révolution, cette masse sera tellement subjuguée par les jeux vidéo idiots, la drogue dépénalisée et le pornographique gratuit sur internet qu’elle n’aura pas l’envie de se rebeller.
Et cette situation n’est pas rétrograde puisque les gens bénéficieront de meilleurs soins de santé et trouveront de plus en plus de choses gratuites sur internet.
http://www.libertylawsite.org/2013/10/09/tyler-cowens-vision-of-a-more-perfect-meritocracy/

A lire ici un article dénonçant cette vision, sur un site assez recommandable pour ceux qui ne sont pas allergiques à nos « amis » américains. Patrick J. Deneen, déjà été évoqué sur ce blog, y écrit d’ailleurs régulièrement.
http://www.theimaginativeconservative.org/2014/12/welcome-techno-future.html

Le livre de ce brillant économiste visionnaire n’est malheureusement pas une dystopie.
Si avec cette perspective vous ne devenez pas un farouche libéral, vraiment vous ne comprenez rien à rien.
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Écrit par : JClaude / | 10/12/2014

FRANQUIN

> A propos de rien, il serait judicieux ici de rendre à André ce qui appartient à Franquin, en l'occurrence le dessin d'illustration de cet article (ou alors j'ai mal lu ?). Paru dans la série "Idées noires", ce dessin et beaucoup d'autres met le doigt où ça fait mal quant à notre monde actuel. Au détail près tout de même que notre Franquin, élevé dans un esprit disons... ancienne mode, a fait un rejet complet du religieux en général et ça aussi, c'est dans ses albums. Mais ceci est une autre histoire...
En tout cas félicitations pour la qualité de ce blog.

Fernand Naudin


[ PP à FN - C'était en effet un hommage à Franquin, qui eut aussi le mérite de démasquer le monde actuel. Honneur à lui. ]

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F. Naudin

Écrit par : Fernand Naudin / | 10/12/2014

LLOYD

> Mais pourquoi s'inquiéter puisque Lloyd Blankfein, le personnage-symbole de ce système "fait le travail de Dieu" ? "I'm just a banker doing God's Work."
http://dealbook.nytimes.com/2009/11/09/goldman-chief-says-he-is-just-doing-gods-work/?_r=0
www.dailymail.co.uk/news/article-1226114/Goldman-Sachs-chief-says-Gods-work-defends-banks-bumper-profits.html

Et quand fait-il le travail de Dieu ? quand il fait de méga-profits
Si !
Tiens Lloyd, c'est pour toi : www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_en.html
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Écrit par : E Levavasseur / | 10/12/2014

à E Levavasseur:

> Je ne suis pas sûr que Llyod soit intéressé par la doctrine sociale de l'Eglise catholique... On ne mesurera jamais assez la chance que nous avons, contrairement à nos frères juifs ou mulsumans, d'avoir un magistère.
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Écrit par : Gilles Texier / | 11/12/2014

@ Gilles Texier & E. Levavasseur

> Je crois surtout que Dieu est une belle excuse pour justifier son profit ou ses fins personnels, là comme sur plein d'autres sujets.
Notons au passage l'humilité et le cynisme de ces personnages. "Faire le travail de Dieu", rien de moins!
Quand les hommes se prennent pour l'égal de Dieu, ce sont plutôt des diablotins.

@ Anne Josnin
Merci pour ce joli texte, parfois si difficile à appliquer pour nous autres des pays dits "riches".
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Écrit par : JClaude / | 11/12/2014

@ JClaude

> Pour rester sur des classiques de la BD, on pourra noter le fameux "Ces dieux qui se prennent pour de grands patrons, il va falloir que ça change" (Goscinny).
Et apparemment, le changement, c'est maintenant...
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Écrit par : Fernand Naudin / | 11/12/2014

LETTRES

> "Je ne suis pas sûr que Llyod soit intéressé par la doctrine sociale de l'Eglise catholique."
pas possible ???
ça alors !
j'aime bien la citation de Goscinny faite par oncle Fernand.
c'est qu'on a des lettres à Montauban !
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Écrit par : E Levavasseur / | 11/12/2014

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